SALAH GHRISSI – Rabat Le retour d’un géant mondial dans un marché qu’il avait quitté il y a sept ans : Uber prépare activement son retour au Maroc. Cette fois-ci, c’est à Marrakech que les premières manœuvres sont détectées. Une offre d’emploi publiée discrètement pour un poste de “Country Manager” basé dans la ville ocre a suffi à relancer les spéculations. Mais derrière ce signal, c’est tout un plan stratégique qui semble se dessiner.
Uber avait quitté le Maroc en 2018, après trois années de présence à Casablanca et Rabat. Si la plateforme américaine avait rapidement conquis le public avec plus de 140 000 utilisateurs et 12 000 chauffeurs, elle s’est heurtée à une hostilité farouche des syndicats de taxis et à une absence criante de cadre juridique pour les VTC. Face à la pression et au vide réglementaire, Uber avait choisi de quitter le terrain. Mais ce retrait n’était pas total. Car à travers Careem, racheté en 2019, Uber a continué d’opérer indirectement au Maroc, notamment à Casablanca, Rabat et Mohammédia.

Aujourd’hui, le décor a changé. Le marché marocain des VTC est plus mûr, plus compétitif, et plus ouvert. InDrive, Heetch et bien sûr Careem ont formé les usagers à de nouveaux réflexes de mobilité urbaine. Commander un véhicule via une application est devenu un geste quotidien. Marrakech, ville touristique internationale, apparaît comme une porte d’entrée idéale. Sa population flottante, ses besoins logistiques constants, et l’attente croissante de services modernes en font un laboratoire parfait pour un redémarrage contrôlé.
En coulisses, les autorités marocaines travaillent désormais à mettre en place un cadre réglementaire clair pour les services de VTC. L’objectif est simple mais ambitieux : légaliser et encadrer l’activité avant 2030. Les discussions sont avancées, les enjeux compris, et la volonté politique semble alignée. C’est un tournant majeur. Car c’est cette absence de loi claire qui avait causé la chute d’Uber en 2018. Cette fois, l’entreprise veut revenir en terrain balisé, avec l’appui d’un système qui reconnaît sa légitimité.
Mais Uber revient dans un paysage transformé. La concurrence est bien installée, les chauffeurs sont mieux informés, les usagers plus exigeants, et les syndicats de taxis toujours aussi vigilants. Le retour ne sera pas une promenade de santé, mais une confrontation entre un mastodonte mondial et un écosystème local qui n’a cessé de croître en son absence.

Et puis, il y a l’échéance qui pourrait tout accélérer : la Coupe d’Afrique des Nations 2025, organisée au Maroc. Ce méga-événement représente un défi logistique colossal. Des centaines de milliers de supporters sont attendus dans les villes hôtes. La mobilité urbaine sera l’un des nerfs de la réussite. Uber le sait. Le royaume aussi. L’arrivée ou le retour d’acteurs puissants du transport connecté comme Uber pourrait être la clé pour gérer les flux de visiteurs, offrir des solutions fiables, et améliorer l’image d’un pays tourné vers la modernité.
Uber ne revient pas seulement pour reprendre sa place. Il revient pour la redéfinir, dans un Maroc qui s’apprête à accueillir le monde. La CAN 2025 pourrait bien être le coup d’accélérateur qui transforme ce retour en succès durable.